Les Béothuks
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gravure représentant un campemnet Béothuks |
([be.o.tuk], parfois orthographié Béothucks) étaient les habitants autochtones de Terre-Neuve au Canada, lors du contact européen au XVe siècle. Le peuple a été officiellement déclaré éteint en tant que groupe ethnique distinct en 1829 avec le décès de Shanawdithit, la dernière survivante répertoriée.
Béothuk était le nom utilisé par ce peuple amérindien en référence à eux-mêmes. Béothuk correspond non seulement à :
« Amérindien rouge de Terre-Neuve »
mais est également l'expression générique du mot
« Amérindien »
et du mot composé haddabothic, qui signifie corps, Homme ou encore ventre. Comme beaucoup d'autres peuples se désignant par le terme Homme, les Béothuks ont fait de même.
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carte de Terre-Neuve |
gravure représentant le port de Terre-Neuve dans les années 1800 |
La forme orthographique et la prononciation du nom varient : Béthuks, Béothuks, Béothuc, Béothucks, Béothiks, Béothicks, Bœothukcs, Bœothicks, Bœthicks, Béhathooks et Béathooks. Les linguistes supportent l'usage de Béothuk mais la forme Béothuck est toujours populaire
Le nom Béothuk apparaît dans la littérature vers la fin du XVIIIe siècle. Avant cette période, les explorateurs, les pêcheurs et les colonisateurs surnomment le peuple Indiens Rouges ou les Peaux-Rouges (Red Indians en anglais) en raison de l'important usage de l'ocre rouge. L'expression Peaux-Rouges a été employée plus tard en référence aux Amérindiens en général et a pris une connotation plus négative. D'autres sources indiquent que la dénomination de peaux-rouges vient de l'habitude des Amérindiens de se passer de la teinture de roucou pour lutter contre les moustiques. Cette plante a par ailleurs été longtemps cultivée en Guyane pour ses qualités tinctoriales.
Avant que des hommes puissent occuper en permanence Terre-Neuve, il a fallu que la calotte glaciaire disparaisse et que le pergélisol en fondant permettent l'installation de la forêt. La plupart des groupes passaient les mois d'été au bord du rivage afin de collecter du poisson, des mammifères marins, des oiseaux de mer, etc. À l'intérieur des terres, ils chassaient le caribou et des animaux à fourrure pendant l'automne et l'hiver (Cf. fragments d'arcs, outils de pierre puis de fer). Les Béothuks utilisaient aussi bien évidemment l'éventail des ressources végétales (racines, baies et fruits) de l'île au gré de la saison. L'exploitation des ressources, saisonnière tant pour les végétaux que les animaux marins qui migrent, nécessitait des déplacements sur leur territoire. Les sites de campements, le long de la rivière montre l'importance de cette voie de circulation au moyen de canoës en machécoui
Le mâchecoui est de l'écorce, généralement du bouleau à papier (Betula papyrifera), utilisée pour fabriquer différents objets, du papier, des bâtiments, etc. |
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Les Béothuks, chasseurs-cueilleurs, ont dû constamment s'adapter à leur environnement pour survivre. La relative rareté des mammifères terrestres à la différence du Labrador a dû rendre les Béothucks plus vulnérables à l'évolution de leur environnement. De plus, l'orignal, le porc-épic et de nombreuses autres espèces continentales n'étaient pas présentes sur l'île lors de l'installation des premiers peuplements. Le caribou a donc été une part importante du régime alimentaire des Béothuks, ils chassaient également l'ours, le lièvre arctique, le castor, le renard, la martre et la loutre.
En 1534, Jacques Cartier fait la première rencontre bien documentée avec les Béothuks. En fait, Jean Cabot, en 1497, et Gaspar Corte-Real, en 1501, font mention des Amérindiens mais confondent divers peuples et ne font pas allusion à la teinture d'ocre rouge. En 1502, des pêcheurs anglais commencent à fréquenter les Grands Bancs de Terre-Neuve, suivis par les Normands en 1506, les Bretons en 1510 puis des vaisseaux de pays ayant une façade sur l’Atlantique.
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Jacques Cartier |
Jean Cabot |
Gaspar Corte-Real |
Les rencontres avec les Béothuks étaient généralement brèves principalement en raison de la barrière de langue. Les témoignages des Européens font surtout état du comportement et de la culture matérielle. Des captifs, en particulier Shanawdithit, ont enseigné du vocabulaire et quelques aspects culturels. Les témoignages micmacs sont également importants.
À l'arrivée de John Cabot en 1497, les Béothuks sont évalués entre 500 à 700 individus. Les premiers contacts avec les Européens sont généralement amicaux mais fuyants. Les problèmes commencent lors de la colonisation britannique sur la côte, de la baie de la Conception à la baie de la Trinité puis jusqu'à la baie de Bonavista et, française à Plaisance par des conflits de chasse et de pêche, des vols et une incompréhension généralisée. Les Béothuks passaient leurs étés à la pêche le long de la côte et leurs hivers à la chasse à l'intérieur des terres. En automne, ils installaient des barrières pour diriger les caribous en migration vers les chasseurs qui les attendaient. Ils conservaient toute la nourriture en surplus pour l'hiver.
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baie de la Triniré |
baie de Bonavista |
baie de la Conception |
Plaisance bay |
Les maladies apportées par les Européens sont souvent responsables de la mort des Autochtones. De manière générale, les maladies transmises aux populations amérindiennes entrées en contact avec les colons au début du XVIIe siècle étaient nombreuses et virulentes, en particulier la variole, les maladies vectorielles à tiques, la typhoide et la rougeole.
À partir du Traité de Ryswick en 1697, les Anglais prennent possession de Terre-Neuve. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les conflits avec les Blancs sont de plus en plus fréquents et les Béothuks sont repoussés vers l'intérieur des terres.
Les Béothuks attaquaient les Blancs, en général pour se procurer des outils et autres provisions, tandis que les Blancs, lors de leurs raids, pouvaient tuer des dizaines, voir des centaines de Béothuks. Les Blancs capturaient aussi des Béothuks, notamment Demasduit en 1819 et Shanawdithit en 1823. Les Béothuks ont aussi gardé des Blancs captifs. Malgré le changement rapide de mentalité et le courant de sympathie envers les Béothuks, notamment à travers l'oeuvre de l'explorateur écossais William Cormack, ceux-ci sont réduits à une poignée en 1823, à cause de la perte de leurs terres, des attaques, et des maladies venues d'Europe.
Durant l'été, les Béothuks résidaient dans des wigwams coniques, souvent groupés par deux ou trois. Les parois étaient faites de plusieurs couches de mâchecoui soutenus par des poteaux à l'intérieur et à l'extérieur. Un trou au sommet permettait à la fumée du foyer de s'échapper. La nourriture séchée était probablement entreposée sur de hautes plates-formes. L'entrée était fermée par une peau de caribou. Les lits étaient placés dans des fosses creusés dans le sol, une pratique propre aux Béothuks. Les wigwams d'hiver ou mamateek étaient de forme octogonale et couverts de terre pour en améliorer l'isolation. Ces wigwams étaient plus grands et pouvaient abriter de douze à quinze personnes.
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reconstitution d'un wigwam Béothuk |
Les entrepôts avaient soit des toits coniques comme les wigwams soit des toits rigides, et leur parois étaient isolées avec des peaux de caribou. Un foyer était aménagé au centre de l'édifice et un trou percé dans le toit permettait l'évacuation de la fumée. Des puits d'entreposage étaient creusés dans le sol et revêtus de mâchecoui. Des échafauds pour sécher le saumon et entreposer les os de caribous conservés pour leur moelle et des supports pour canots complétaient les installations.
Les huttes à sudation étaient aménagées dans des constructions hémisphériques couvertes de peaux, où de l'eau versée sur des pierres chaudes fournissaient la vapeur. Les maladies étaient traitées dans une hutte à sudation, accompagné d'incantation.
L'élément le plus distinctif de l'accoutrement béothuk est l'ocre rouge pilé mélangé avec de l'huile ou de la graisse. Les autochtones en mettaient dans leurs cheveux, sur leur corps et sur leurs vêtements et leurs armes, bien que ces deux derniers usages ne sont probablement pas intentionnel ; l'ocre rouge permettait d'ailleurs aux Européens de différencier les Béothuks des autres peuples. Le principal vêtement utilisé, autant par les hommes et les femmes, consistait en un manteau sans manches de forme carrée, fait de deux peaux de caribou cousues et parfois avec des franges, auquel on pouvait ajouter un grand col. Ce vêtement permettait aux femmes d'emporter facilement un bébé attaché dans le dos ou aux hommes de libérer un bras pour tirer à l'arc. Les Béothuks portaient aussi des mocassins, des manches, des pantalons, des chapeaux, des mitaines et parfois des ceintures ; ces accessoires en cuir étaient portés avec la fourrure à l'intérieur et huilés à l'extérieur afin d'assurer une plus grande isolation. Des plumes étaient parfois placées dans les cheveux. De nombreux ornements sculptés en os étaient portés. Les femmes Béohtuks vivant captives aimaient les couleurs vives et les étoffes fines mais portaient leurs manteaux par dessus des vêtements occidentaux
Les Béothuks aimaient utiliser les technologies apportées par les Blancs mais n'ont jamais utilisé d'armes à feu. Les javelots, les haches, les couteaux, les arcs et les gourdins étaient utilisés à la fois pour la chasse et comme armes. Les lames et pointes étaient généralement faites en pierre, principalement du silex ou en os mais les pointes de certaines flèches étaient en bois. Les arcs étaient fait en frêne ou en sapin et mesuraient 1,5 mètre ou plus de long. Les flèches étaient fabriquées en pin, avaient des empennages et étaient transportées dans un carquois. Des alênes de bois pouvaient aussi remplacer les flèches. Des harpons de 3,7 mètres de long avec des pointes en os, puis en fer, étaient utilisées pour la chasse aux phoques.
Les couvertures étaient fabriquées en peaux animales. Les bois d'orignaux servaient à fabriquer les peignes tandis que les boucles d'oreilles étaient fabriquées en os.
Transports
Les Béothuks se déplaçaient généralement à pied et utilisaient des raquettes et des traîneaux durant l'hiver. Les carcasses d'animaux étaient conservées dans de grands emballages de mâchecoui et des radeaux étaient conservés à la rivière. La plupart des voyages sur l'eau nécessitaient l'usage de canots en mâchecoui ; le portage permettait de relier les différents cours d'eau mais des canots étaient entreposés sur les trajets les plus fréquentés ; les peaux de caribous devaient remplacer le mâchecoui.
Les canots faisaient au moins six mètres de long. La proue et la poupe sont pointues alors que le bordé s'élève au milieu du bateau pour former une pointe. Muni d'une quille et d'un ballast, il pouvait être utilisé pour se déplacer en haute mer. Les Béothuks n'hésitaient pas en fait à se rendre aussi loin que l'île Funk ou à traverser le détroit de Belle-Isle. Certains auteurs rapportent que des voiles étaient parfois installées mais il se peut que cet usage ait été adopté des Européens.
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Ile Funk |
détroit de Belle Isle |
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